The Patience Stone

Krieg und Liebe in Kabul. Was geht das uns an? Sehr viel, wenn der afghanische Schriftsteller und Filmemacher Atiq Rahimi mit «The Patience Stone» die Tiefe dieser Frage auslotet.

Mann und Frau.jpg

Sie ist jung, wunderschön – und eigentlich sollte sie längst weg sein aus der Schusslinie der Krieger in Kabul. Was geht das uns an? Sehr viel, wenn der afghanische Schriftsteller und Filmemacher Atiq Rahimi mit «The Patience Stone» die Tiefe dieser Frage auslotet. Sie hat keinen Namen, ist einfach die «Frau». Im Viertel in Kabul, wo sie wohnt, kommt es ständig zu Explosionen und Schiessereien mit tödlichem Ausgang. Deshalb bringt sie auch ihre beiden Kinder an einen ruhigeren Ort der Stadt zu ihrer lebenserfahrenen, klugen Tante. Sie selbst kehrt jeden Tag in ihr Haus zurück, wo ihr Mann, der im Krieg verletzt wurde, im Koma liegt. Auch er hat keinen Namen, er ist einfach der «Mann». Ohne zu wissen, ob er sie hört, beginnt die Frau ihm zu erzählen: von ihren Träumen, ihren geheimsten Gedanken und auch, dass ein junger Mann, der zunächst gewaltsam in ihr Leben eingedrungen ist, sie emotional sehr bewegt.

Liebe oder Krieg? Das ist die Frage.

Der Spielfilm «The Patience Stone» erzählt die aufwühlende Geschichte einer Frau, die sich nach und nach von den Regeln eines fundamentalistisch ausgelegten Islam befreit. Dargestellt wird sie von der grossartig spielenden iranisch-französische Golshifteh Farahani. Atiq Rahimis Film basiert auf seinem gleichnamigen Roman, für den er mit dem international renommierten Literaturpreis «Prix Goncourt» ausgezeichnet worden ist. Das Drehbuch hat er zusammen mit dem bekannten Autor Jean-Claude Carrière verfasst. Entstanden ist ein eindrückliches, sinnliches und dramatisches Werk, das formal absolut überzeugt und eine starke und wichtige Botschaft enthält. Ein Schrei über die Unmenschlichkeit des orthodoxen Islam, wie ihn die Taliban in Afghanistan praktizieren, und gleichzeitig ein Hymnus auf die Befreiung von dieser Gewalt durch die Liebe.

Frau und Kind.jpg

«Wer nicht Liebe macht, macht Krieg.»

Zu zwei Themen, die nicht nur den extremistischen Islam, sondern auch uns betreffen, liefert der Film von Atiq einen wesentlichen Beitrag. Dabei ist wieder einmal, Paul Valérys Diktum folgend, zu erleben, dass Kunst desto objektiver ist, je subjektiver sie daherkommt. Was in Afghanistan genau beobachtet wird, gilt im Grunde überall, auch bei uns.

In den 68er Jahren hiess es lustvoll: «Make love, not war.» Heute, fast fünfzig Jahre später, formuliert es der Film des 1962 in Kabul geborenen Regisseurs radikal und blutig ernst: «Wer nicht Liebe macht, macht Krieg.» Den Übergang vom Krieg zur Liebe zeigt er uns an der Entwicklung des stotternden Soldaten, der die Frau zuerst vergewaltigt, dann als Hure gebraucht, bis zwischen beiden eine zarte Liebe entsteht. Alts tragende und bewegende Figur dahinter steht die Frau. In ihrem Innern geschieht das, was Rahimis Intention in seinen Werken zeigen und propagieren will: die (Selbst-)Befreiung der Frau aus ihrer traditionellen Rolle. Vielleicht darf hier einmal der meist als harmlos verwendete Begriff «Tradition» als «falsches Bewusstsein» (Adorno) verstanden und deshalb kritisch gewürdigt werden.

Eine zweite Botschaft lese ich aus «The Patience Stone»: Der Machismus, jenesVerhaltensmuster, das auf dem Weltbild beruht, das die Dominanz des Mannes und die Unterordnung der Frau verherrlicht, ist möglicherweise ein Fundament des religiösen Fundamentalismus. Um die Frauen beherrschen zu können, braucht man eine religiöse Legitimation: von Allah die Muslime, von Jahwe die Juden, vom dreifaltigen Gott die Christen. Vielleicht hatte Feuerbach mit seiner These «Der Mensch schuf Gott nach seinem Bilde» recht: Nicht Gott hat den Menschen erschaffen, sondern der Mensch, genauer der Mann, hat einen Macho-Gott erfunden, um schalten und walten zu können, wie er will.

Mann und Frau.jpg

Antworten in filmischer Form

Grossartig die Idee, dass die Frau bei ihrem Sprechen mit dem Mann, dem sie im Guten wie im Schlechten nahe war, zu sich, tief in sich drin zur Veränderung ihres orthodoxen Glaubens und zu einem liebenden Umgang mit sich, dem Mann und der Welt kommt. Das Erlebnis dieser Umkehr lässt uns die unsagbare Gewalt, welche die Taliban hüben wie drüben erschaffen, erst recht als unmenschlich erfahren. Dafür reduziert der Regisseur die Handlung auf wenige Akteure: die Frau mit ihren Kindern, den Mann im Koma, den stotternden Soldaten und die Tante. So wird die Verwandlung, die die Frau erlebt – grossartig dargestellt von der iranisch-französischen Golshifteh Farahani – auch für uns nachvollziehbar. Der Krieg und die Liebe, die Gewalt und die Zärtlichkeit erhalten künstlerische, eine filmische Form, eine Gestalt. Sie werden zu einem Sinnbild, einem Bild, das der Welt Sinn verleiht.

Atiq Rahimi: Biographie

Ecrivain et cinéaste, Atiq Rahimi est un représentant renommé de la culture afghane en Europe. Francophile, ancien étudiant au lycée franco-afghan de Kaboul, Atiq fuit son pays en 1984, demande et obtient l’asile auprès de l’état français. Il entame des études en audiovisuel et obtient un doctorat de cinéma à la Sorbonne. Auteur de plusieurs films documentaires comme À CHACUN SON JOURNAL, ZAHER SHAH, LE ROYAUMEDE L’EXIL ou (A)FGHANISTAN, Atiq Rahimi considère le cinéma comme un langage universel, le plus à même de parler de la situation de son pays d’origine. Pourtant en 1996, alors que les talibans prennent le pouvoir à Kaboul, il ressent le besoin de passer à l’écriture avec Terre et cendres, évoquant le deuil et la violence qui meurtrissent ce pays. Adaptée en 2004 au cinéma, par ses propres soins et sur les terres afghanes, cette oeuvre est présentée à Cannes et reçoit un accueil élogieux du public. Autant investi dans la réalisation que dans l’écriture, l’auteur publie dans sa langue natale Les Mille Maisons du rêve et de la terreur en 2002, un livre de photos Le retour imaginaire et Syngué sabour en 2008 pour lequel il reçoit le Prix Goncourt.

Entretien avec Atiq Rahimi

SYNGUÉ SABOUR – PIERRE DE PATIENCE est votre deuxième long-métrage. Il est l’adaptation de votre roman. L’idée d’en faire un film était pour vous une évidence?

Lorsque j’ai fini d’écrire Syngué sabour – Pierre de Patience, mon éditeur l’a envoyé à différentes personnalités. Jean-Claude Carrière m’a appelé depuis sa maison du sud en plein été: “Je trouve ton roman formidable, ça peut faire un beau film!” Dans le même temps, Jeanne Moreau que je ne connaissais pas, m’adresse un mail: “Votre éditeur m’a envoyé votre livre, j’ai adoré, ça pourrait donner un beau film!”

Le huis clos n’était pas un frein?

C’est une idée fausse de croire que tout ce qui est a priori clos est théâtral. Il y a dans l’histoire du cinéma beaucoup de films qui prouvent que la question du confinement n’est pas un obstacle mais un vrai atout cinématographique.

Qu’est-ce qu’un film pouvait apporter de plus à votre roman?

L’adaptation cinématographique pose d’emblée un problème moral, éthique. L’idée de me répéter était évidemment exclue. Je suis persuadé que chaque art révèle une dimension particulière d’une histoire. Ce que le cinéma peut raconter, un roman ne peut le faire. Un verre selon qu’il est photographié, dessiné, décrit ou filmé n’a pas la même réalité. Le cinéma est avant tout une affaire de temps. Dans TERRE ET CENDRES, je filmais l’attente durant le deuil. Pour SYNGUÉ SABOUR – PIERRE DE PATIENCE, j’ai dit à Jean-Claude Carrière dès le début de l’écriture du scénario: “Je veux filmer la parole!” Jean-Claude m’a tout de suite répondu par cette phrase magnifique d’Ingmar Bergman: “Une histoire racontée n’est pas celle qui est entendue.” Le champ des possibles est donc énorme.

Comment filmer la parole?

Filmer la parole comme acte et non pas comme information. Le cinéma est le seul art où vous pouvez montrer une infinité de situations en même temps. La parole mais aussi la pensée, les gestes. Dans SYNGUÉ SABOUR – PIERRE DE PATIENCE, il y a cette séquence où la femme caresse l’homme; son regard est d’abord tourné vers l’extérieur puis elle se tourne vers le visage de son mari et lui dit: “Pourvu qu’une balle perdue t’achève!” Cette parole cruelle entre en contradiction avec la tendresse de son regard et de son geste. L’ambiguïté de l’être humain se révèle alors à l’écran. En littérature, j’aurais dû tout expliquer et le texte aurait perdu toute la force de suggestion.

Dans SYNGUÉ SABOUR – PIERRE DE PATIENCE, la parole est un vecteur d’émancipation …

La parole est au coeur de mes deux films. TERRE ET CENDRES était l’histoire d’un vieillard qui se demandait: “Comment dire à mon fils que sa femme a été tuée? Comment raconter la mort?” Son petit-fils devient sourd à cause des bombardements. Il est persuadé que la guerre a emporté la voix des gens. SYNGUÉ SABOUR – PIERRE DE PATIENCE est cette fois l’histoire d’une femme qui se révèle à travers la parole. Je suis issu d’une culture dans laquelle l’oralité est fondamentale dans un pays où 95% de la population est analphabète. À l’oral, c’est le rythme qui prime, d’où l’importance de la poésie et des contes. D’un autre côté, cette parole est assez limitée par rapport à l’écriture; en tant que phénomène social elle implique une certaine autocensure. Dire ou ne pas dire, telle est la question!

Aviez-vous des références cinématographiques précises en préparant ce film?

Le moyen-métrage de Wong Kar-wai issu du programme Eros : LA MAIN. On y voit une prostituée et son jeune tailleur prendre ses mesures avec ses mains. Un rapport trouble et sensuel s’instaure. Il y a d’ailleurs une référence directe au film. La deuxième fois où mon héroïne fait l’amour avec le jeune soldat, elle sort de la salle de bain. La musique qui accompagne son mouvement est très proche de celle utilisée par Wong Kar-wai. Il y avait également ALLEMAGNE, ANNÉE ZÉRO de Roberto Rossellini. Les intérieurs avec cette famille entassée dans une petite pièce: le père enfermé, le frère traqué et surtout l’enfant qui erre au milieu de tout ça comme mon héroïne. Tous les plans des rues de Kaboul en ruines sont directement inspirés de Rossellini. Enfin, CRIS ET CHUCHOTEMENTS d’Ingmar Bergman qui raconte peu ou prou la même situation. Le film est rouge sang, SYNGUÉ SABOUR – PIERRE DE PATIENCE, lui, est à dominante bleue. Bleu, c’est la couleur du voile des femmes afghanes qui révèle leurs rêves enfouis.

Avez-vous toujours eu un rapport particulier aux images?

Je suis né dans un milieu littéraire, où la poésie domine toute sorte de création. Adolescent, je voulais m’en éloigner, car le “je” dans la poésie est anonyme. Dans notre culture, le sujet, donc l’individu n’existe pas. Nous nous définissons par rapport à une famille, une tribu, un pays, une société, une religion. On ne parle jamais en son nom. Dans un film comme dans un roman, au contraire, tout est très personnifié. La fiction, c’est l’aventure d’un individu dans une situation donnée. Faire du cinéma et aller voir des films restent un formidable moyen d’ouverture sur le monde. Mon travail a toujours été visuel. Je me souviens très bien la première fois de ma vie où j’ai vu l’une de mes créations publiées, c’était une de mes peintures sur la couverture d’un magazine pour la jeunesse. C’était en 1973, j’avais 11 ans, j’habitais encore en Afghanistan. Je m’en souviens parfaitement, car 1973 est une date importante pour moi puisque c’est l’année où mon père a été arrêté suite au coup d’état ayant renversé la monarchie. J’étais traumatisé par cette affaire et une amie de ma mère m’a conseillé de faire de la peinture pour exorciser mes angoisses. Un peu plus tard, j’ai fréquenté l’alliance française à Kaboul où je voyais des films français. Un de mes oncles, fou de westerns, m’emmenait au cinéma. À l’époque, il y avait une dizaine de cinémas à Kaboul. Aller au cinéma était un rituel. Nous y allions tous les jeudis, on mettait un costume. Il y avait le tapis rouge à l’entrée de la salle. C’était sacré!

Comme dans TERRE ET CENDRES vous pratiquez dans SYNGUÉ SABOUR – PIERRE DE PATIENCE une certaine unité de lieu.

La chambre est l’intérieur de mon personnage. Il fallait y rester pour montrer le moment où elle se révèle, comme dans toutes les tragédies classiques. Ici, mon héroïne, enfermée dans sa maison, condamnée à veiller son mari, prend conscience de son corps, de sa condition. D’un seul coup, elle se prend une gifle. Je montre mon personnage juste avant son choc émotionnel et physique, puis je suis son évolution.

Si le pays dans lequel se déroule l’intrigue n’est jamais clairement cité, on reconnait évidemment l’Afghanistan …

L’Afghanistan cristallise toutes les contradictions humaines possibles. Pour moi, l’Afghanistan aujourd’hui c’est comme LA GUERRE DES ÉTOILES de George Lucas. La vie ressemble à celle du Moyen Âge (les habits, la vie sociale, les valeurs religieuses...) et d’un autre côté, les armes sont les plus sophistiquées du monde. Ces contradictions sont intéressantes à filmer. C’est un pays où les choses se révèlent: les êtres, la lumière, les montagnes, la nature, la guerre, la politique, la religion … C’est très cinématographique!

Outre la parole, le corps permet aussi la libération …

La femme afghane, comme toutes les femmes du monde, a un corps, des rêves, des désirs, des plaisirs… Dans une société phallocrate, tout lui est retiré. Nous sommes ici en Afghanistan avec les barbus, les talibans, et au milieu de tout ça, il y a une femme qui ressent des choses. Pour qu’un être opprimé dans un pays comme l’Afghanistan puisse enfin prendre la parole, il fallait d’abord paralyser ce système dictatorial. À travers le corps inerte du mari, c’est tout le système qui est paralysé, blessé … Celui de l’héroïne peut enfin s’ouvrir et s’épanouir. Prenez le jeune soldat : il se croit supérieur - comme tous les hommes - mais lorsqu’il découvre l’amour et la faiblesse de son corps, tout change en lui. Plus que d’une femme, je parle ici d’un être opprimé sexuellement, religieusement, politiquement, culturellement, socialement … La femme n’est pas idéalisée non plus.

Certes, mais vous utilisez une parabole plutôt osée en faisant de Khadija, la femme de Mahomet, le vrai prophète …

Cette histoire présente dans le Coran, m’a toujours fasciné. Khadija était plus âgée que Mahomet. C’était une commerçante, une femme d’affaires … Elle voyageait, négociait … Elle tombe amoureuse de Mahomet, un jeune et beau garçon. Un jour Mahomet vient la voir affolé: “Je crois que je suis devenu fou, j’entends des bruits qui sortent des pierres. Je vois une créature énorme devant moi qui veut me saisir … J’ai peur!” Khadija totalement dévoilée se pose devant le démon qui disparaît. Ce n’était donc pas un monstre puisqu’il a respecté sa nudité. Comment interpréter ça politiquement, religieusement, psychanalytiquement ? On peut pousser plus loin l’interprétation et penser que Khadija offre entièrement son corps à la créature. Mon héroïne fait un transfert … Elle entend cette histoire racontée par la voix du mollah. Je voulais à ce moment-là, que son voile tombe et laisse apparaître son visage. Comme une révélation. Elle dira d’ailleurs à la fin: “Je suis prophète!”

La question de la sexualité féminine est déterminante dans le film et notamment à travers la prostitution, pourquoi?

Dans tous les pays qui pratiquent la frustration sexuelle, il y a énormément de maisons closes. Si j’ai choisi de faire de la tante une prostituée, c’est que d’une part, j’aime ces femmes, leur courage, leur façon de dominer les hommes avec leur corps. Face à elles, les hommes deviennent des enfants. C’est une sorte de vengeance. C’est à son contact que mon héroïne prend conscience de sa liberté et se révèle. Sa tante devient sa maîtresse spirituelle. Le monde de la prostitution est souvent un monde exclusivement féminin. Bien sûr le côté sordide de la prostitution existe aussi, mais je voulais m’en servir ici comme le symbole d’une rébellion féminine possible. Attention ! La prostitution n’est pas la solution dans mon film, mais une possibilité métaphorique. C’est aussi parfois la seule ressource pour des femmes afghanes rejetées par leur famille, ou leur mari.

Comment et pourquoi avez-vous choisi Golshifteh Farahani?

Un producteur m’avait proposé de faire le film en langue anglaise avec Penelope Cruz. Jean-Claude Carrière et moi étions bien décidés à le tourner dans la langue afghane, en persan. Alors quelle actrice afghane ? D’autant que mon héroïne est tout le temps présente dans le cadre. Il fallait quelqu’un de fort, capable de captiver le spectateur. J’ai auditionné des actrices afghanes et iraniennes. J’ai vu alors À PROPOS D’ELLY et j’ai trouvé Golshifteh formidable. Jean-Claude Carrière a organisé une rencontre chez lui. Sa beauté m’a fait un peu peur au début. J’avais peur qu’elle emporte tout. Nous avons fait des essais et j’ai tout de suite vu que c’était elle et pas une autre. Je l’ai filmée sans maquillage et j’ai vu comment elle absorbait la lumière puis la diffusait. Il ne fallait surtout pas que cette beauté reste céleste mais au contraire ait une dimension charnelle.

Comment a-t-elle réagi à la lecture du scénario?

Elle est venue me voir: “Atiq, si tu ne me prends pas pour le film, je prends le livre et je vais le jouer dans les rues de Paris! ” Je ne pouvais passer à côté d’une telle volonté. Golshifteh est militante. Elle sait de quoi elle parle, comprend les femmes comme les hommes. Elle est née en Iran juste après la révolution. Elle sait ce que c’est de vivre dans une société phallocrate. Ce passé n’était pas une condition sine qua non pour jouer le rôle mais un atout. Elle a ce que j’appelle “l’expérience des sentiments”.

Le film est articulé comme un monologue intérieur. La tâche a dû être difficile pour votre actrice.

Je dirais plutôt un dialogue dans lequel s’articulent les mots de la femme et le silence de l’homme. Oui, c’était un défi. D’autant que je ne voulais pas de postsynchronisation mais que tout soit dit en direct. Il n’y a pas de voix off dans le film. J’ai rendu dingue Golshifteh avec ça, elle devait apprendre des pages et des pages de dialogues en si peu de temps!

Le rythme de votre mise en scène est extrêmement précis.

Si dans le roman mes phrases étaient courtes, j’ai opté dans ma mise en scène pour des plans séquences. Je voulais également que la caméra bouge tout le temps sans que le spectateur le sente. Chaque mouvement était précis. Si mon chef opérateur était français, mon cadreur lui parlait le persan, car je voulais que la caméra soit à un endroit précis selon certains mots.

Pourquoi une caméra sans cesse en mouvement?

La caméra est avec la femme, contrairement à la voix narratrice dans mon roman qui ne quitte jamais la chambre et l’homme. Le narrateur est aussi paralytique que le mari. Dans le film, je voulais être avec la femme, à ses côtés.

N’avez-vous pas peur des réactions de certains extrémistes religieux?

Tant que personne dans nos pays ne remettra en cause l’interprétation de notre histoire, de nos mythes, rien ne changera. Regardez ce qui s’est passé dernièrement, il suffit que quelqu’un s’indigne pour que le peuple prenne les armes et fasse des attentats … Il faut donc montrer aux musulmans le sens caché de nos mythes. Nous sommes capables de réinterpréter notre histoire, c’est un risque à prendre mais c’est le prix à payer. Le film a été visionné par le comité des cinéastes afghans qui l’ont proposé pour représenter le pays aux Oscars. Le film a été également projeté dans une salle de cinéma de Kaboul devant des étudiants des Beaux-arts. J’ai reçu des mails dithyrambiques. Je ne suis pas certain que l’on arrive à changer les mentalités de ce pays avec des actions militaires, même si elles peuvent être parfois nécessaires. L’éducation et la culture ont un rôle fondamental à jouer. Nous n’avons pas besoin d’une révolution politique mais culturelle. Si je n’arrive pas à éveiller les esprits endormis, j’aimerais au moins perturber leur sommeil.

Offizielle Website und Trailer